Témoignage des quatre jeunes militants antinucléaires condamnés à Bar le Duc
Notre
séjour au pays de la répression
Petit historique : Le 28 juillet 2006, une « manif-action » a
tourné en affrontement entre les manifestants et les gendarmes, devant le site
de l’ANDRA [1] à Bure (55). Une soixantaine de militants contre
l’enfouissement des déchets nucléaires y était réunie en marge du festival «
Décibels contre la poubelle ». Nous sommes 4 à avoir été arrêtés. Suite à une interpellation
violente,
nous avons passés 36 heures en garde a vue, très dures à supporter, en raison de
l’isolement total et de l’inhumanité des interrogatoires. Après, nous sommes
passés devant le Juge des libertés et de la détention qui nous a appris que
nous allions être placés en détention provisoire pour 3 jours dans l’attente
de notre procès en comparution immédiate le 1er août. Même
si certains d'entre nous ont ressenti un léger "soulagement" en prison après la
garde a vue, l’épreuve fut très dure pour nous qui n’avons jamais été derrière
les barreaux (pressions morales des autres détenus et des matons, isolement
pour Thyl, fatigue, angoisses). Le mardi 1er août à 14h, après nous être
entretenus très brièvement avec nos avocates qui nous ont conseillés d’accepter
la comparution immédiate sous peine de rester un mois de plus en
taule, le procès a duré 5 heures. Nous
avons été reconnus coupables ; pour Blanche d’avoir tiré 2 pierres qui n’ont pas dépassé
la grille derrière laquelle étaient les flics, pour Thyl et Michael d’avoir
tiré 5 à 6 pierres qui n’ont probablement rien touché et d’avoir participer à
l’incendie et pour Rémi d’avoir participé à l’incendie en amenant de la paille
sur le feu pas encore allumé.
Les chefs d’inculpations et
les peines : Les chefs d’inculpations
retenus contre nous sont les suivant : pour Blanche, Michael et Thyl :
Violences volontaires sur 6 agents de la force de l’ordre sans ITT (ils étaient
casqués et armés ???) - Violences volontaires sur un vigile de l’ANDRA avec 7
jours d’ITT (une entorse ???) - Provocation d’incendie volontaire sur le
site de l’ANDRA (un feu de paille sur la grille en fer ???) -Dégradations
de 2 voitures de gendarmerie (une vitre cassée)...
Pour les uns, 10 mois de prison avec sursis et 2 ans de mise à l’épreuve, 3000 euros
de dommages et intérêts pour les gendarmes à trois. Pour Rémi - Provocation
d’incendie volontaire sur le site de l’ANDRA - 6 mois de prison
avec sursis et 2 ans de mise à l’épreuve. Et le procès et les peines ne sont pas finis, car les dommages et
intérêts de l’ANDRA et du vigile seront établis au tribunal civil de Bar le Duc
le 13 novembre 2006 : l’ANDRA demande 127000 euros pour nous 4 !!!
Une solidarité plus que
remarquable : On ne sait pas comment remercier l’énorme
soutien qui a été mis en place durant cette période. Les potes, la famille,
les différentes organisations du collectif Bure stop, les élus opposés à
l’enfouissement, le réseau Sortir du Nucléaire et tous les personnes qui se sont
investies pour une solidarité dans l’urgence (5 jours). Manif devant la prison, RDV
à la préfecture, coups de fils dans tous les sens, contact des avocates…200
personnes pour nous soutenir lors du procès. Une fois de plus, on a pu
remarquer que la solidarité est une arme !
Notre vision politique et
militante de cette aventure.
La répression et les militants : Tout d’abord, afin de placer la répression que
nous avons subie, non pas comme un cas isolé mais comme un cas parmi de
nombreux autres, il faut décrire la situation que subissent les différents
mouvements de revendication. "Aux mains de l’Etat la force se nomme droit, aux
mains de l’individu elle se nomme crime" [3] Les systèmes répressifs et
violents de l’Etat, que ce soit la police, l’armée ou la justice, sont de plus
en plus présents sur les lieux de rassemblement militant (comme partout
d’ailleurs!) : arrestations, contrôles, fichages (R.G., vidéo, ADN,
empreintes), gardes a vue, procès, humiliations, tabassages, etc. Pour
prendre, par exemple, le mouvement contre la loi sur "l’égalité des chances"
qui a eu lieu, en France au printemps 2006. Le collectif assistance juridique CPE
[4] a recensé au 18 avril 2006 : 4500 arrestations, 637 procès dont 42% en
comparution immédiate et 70 peines de prison ferme. Ce rapport n’est pas
exhaustif, des arrestations ne se sont pas sues et seulement environ un tiers des
procès se sont déroulés avant le 18 avril. Même si en France la situation
n’est pas la pire, ce n’est pas les exemples qui manquent, les syndicalistes,
les faucheurs volontaires, les anti-pub, les anti-g8, les collectifs de sans
papiers, les opposants aux nanotechnologies, les antifascistes… Tous subissent
les dénis de démocratie et la violence policière et judiciaire ! La répression
est le seul moyen, pour l’Etat, les lobbies financiers et industriels, de faire
taire les différents mouvements qui remettent en cause leur pouvoir sécuritaire
et autoritariste.
La situation de Bure ou
l’absurdité des nucléocrates : Une description de la situation de Bure dans la Meuse
est, à notre avis, nécessaire pour comprendre les actes que nous avons commis.
C’est en 1999, que le site de Bure a été choisi pour construire "le
projet de centre d’enfouissement des déchets hautement radioactifs à vie longue
en grande profondeur". Ces déchets sont issus du cœur du réacteur nucléaire,
ce qui les rend extrêmement dangereux pendant des dizaines de milliers voire
des millions d’années. Pour exemple, la demi-vie [5] du plutonium 239 [6] est
évaluée à 24 100 ans. Aucune solution fiable et à long terme n’a été trouvée, à
ce jour, pour gérer, retraiter ou recycler ces déchets Le seul moyen qu’a
trouvé l’Etat est de les faire oublier le temps de la relance de leur nouveau
programme nucléaire (E.P.R.). Le projet de l’ANDRA consiste donc à faire du
village de Bure et ses environs une poubelle nucléaire pendant des générations
et des générations. Différentes organisations et individus opposés à
l’enfouissement localement, nationalement et internationalement, fournissent un
travail militant intensif : pétitions, manifs, festivals, maison de résistance BZL
[7]*, informations aux élus et aux citoyens, actions diverses. Plusieurs dizaines
de milliers de citoyens de la Meuse et de la Haute-Marne ont exigé un
référendum sur la question du "dépotoir nucléaire" dans leur région. Mais
l’ANDRA et l’Etat n’en font qu’à leur tête, la loi, autorisant la pire gestion,
pour les déchets radioactifs dans la Meuse, a été votée le 15 juin dernier. Il
faut noter que seulement 19 députés sur 577 étaient présents à l’assemblée pour
ce vote ???
Et notre histoire dans tout ça : Notre sang-froid de militants profondément non-violents, n’a pas pu retenir la rage et la colère devant
de telles dérives. Oui, nous avons jeté
quelques pierres (sauf Rémi) ! Oui, nous avons fait brûler de la paille !
Nous n’en sommes pas fiers. Nous
voulons juste remettre ces actes dans leur contexte pour que chacun d’entre nous
puisse mieux les comprendre. Ce qui s’est passé, ce soir-là, à Bure, même si
on ne peut pas dire que c’était très organisé et très réfléchi, était une forme de révolte. Si ces moyens n’étaient
pas en accord avec notre idéal de paix, nous étions là, pour manifester notre
engagement pour un autre futur et contre le nucléo-fascisme. Nous aurions
dû être plus intelligents qu’eux, mais ce soir là, comme dans les banlieues en
novembre 2005, la diplomatie ne coulait pas dans nos veines. Nous avons vomi
notre dégoût de ce monde qui ne nous convient pas et que nous voulons changer.
Appel a la Solidarité : Nous devons verser 500 euros de dommages et
intérêts à chacun des 6 gendarmes qui se sont constitués partie civile. Notre
défense organisée dans l’urgence revenait à 1200 euros. Et par ailleurs l’ANDRA
ne réclame pas moins de 127 400 euros en dommages et intérêts. Cette
"réclamation" sera traitée par le tribunal de Bar le duc le 13
novembre prochain. D'autres frais de défenses s'ensuivent. Nous sommes tous les
4 précaires ou étudiants, et face à ces lourdes condamnations et aux coûts des
frais de défense, nous ne sommes pas en mesure de les assurer
financièrement. Eh oui, la justice est la même pour tous à condition
d’avoir le même salaire ! Pour cela, nous appelons toutes les bonnes volontés
à nous soutenir : faire passer l’info, créer des
collectifs de soutien, organiser des concerts de soutien…
Et bien sûr si
vous avez les moyens vous pouvez envoyer vos aides financières à :
CACENDR 54 /
5 rue du 15 septembre 1944 / 54320 MAXEVILLE / 06 88 32 86 15 / Avec la mention
"solidarité procès Bar-le-Duc" inscrite sur un post-it joint à votre
chèque (spécifiez si vous désirez un reçu fiscal).
La lutte continue ! La révolte est légitime !
Thyl, Blanche, Rémi et Michael,
les 4 condamnés de Bar le Duc
[1] Agence Nationale pour la gestion des Déchets
Radioactifs. [2] Interdiction de sortir du territoire national, interdiction
des département de la Meuse et de la Haute-Marne, obligation de travailler, de
suivre une formation ou d’être scolarisés et d’être suivis par un contrôleur
judiciaire ainsi que l’obligation de demander l’autorisation au J.A.P. pour
un déplacement de plus de 15 jours hors du domicile) [3] Michel Bakounine
(1814-1876) [4] Collectif constitué d’élèves avocats à l’école de
formation au barreau de Paris. [5] Temps nécessaire pour que 50% des atomes
d’un élément soit désintégré. [6] Une poussière de plutonium suffit à
provoquer un cancer du poumon. [7] Bure Zone Libre
Pour des compléments
d’information voir les sites www.burestop.org
(avec page spéciale d'info soutien) : site des collectifs citoyens
BURE-STOP/Coordination nationale des collectifs www.stopbure.com : association des élus Meuse/Haute-Marne www.sortirdunucleaire.org
Pour
soutenir ces 4 jeunes - déjà très lourdement condamnés - face à ces demandes de
dédommagement exorbitantes : signez la pétition en ligne sur http://www.local.attac.org/attac16/