Trois petits tours...
Le livre
ordinaire - je veux dire : le livre tel qu'il est traité ordinairement,
d'un auteur qui n'en est pas à son coup d'essai mais n'a pas accédé au
statut de vedette, ce livre-là ne fait pas plus de trois petits tours
avant de disparaître de la circulation. Sorti du carton par le
libraire, il rejoint le tas de nouveautés pas toujours étalées sur la
table par manque de place.
Dans le meilleur des cas, disposé à la verticale au milieu de la table,
il se détachera des autres, ou encore - fin du fin - il trônera sur la
caisse du libraire, avec la mention "A lire absolument". Le chouchou du
libraire.
Mais ça ne se passe comme ça que chez les libraires qui lisent et
conseillent, autrement dit les "bons libraires", qui ne sont, au fond,
que des libraires qui font leur travail. Il n'y en a pas tant que ça en
France. Mettons 5% sur les 2500 magasins qualifiés de "librairies". [...]
Vous écrivez
un livre soir après soir et week-end après week-end, parce qu'il faut
bien "gagner sa vie" pendant le jour et la semaine, et ce pendant une
année, si vous avez un peu d'exigence. Un texte peut se faire pressant
et envahir vos pages, mais il vous faudra nécessairement le repenser,
le remodeler au long de quelques mois avant de le juger apte à voler de
ses propres ailes, et il y a tout lieu de penser qu'il n'est pas né
d'hier au fond de votre tête. Ecrire, c'est long, lent. Un texte, ça ne
se fabrique pas, ça se mûrit, ça s'élabore. Dans le doute, parfois dans
l'angoisse, de temps en temps dans la joie. Et le livre qui en
procède est livré au bon vouloir de quelques journalistes parisiens. Il
dépendra d'eux que votre livre fasse plus de trois tours de piste...
Joseph Périgot, que vous pouvez lire sur son blog : littératures