La Résistible Ascension de Nicolas Sarkozy
Comment nos voisins belges voient-ils La Résistible Ascension de Nicolas Sarkozy ? Début de réponse avec l'édito de Joëlle Merkens du journal Le Soir, lu chez Thierry Lenain...
[Cette fois pourtant, on ne peut plus rester sans le dire. Oui, Nicolas
Sarkozy est dangereux. Parce que le candidat de l'UMP à l'Elysée a
franchi la ligne rouge. Ses propos sur le caractère inné de la
pédophilie ou de la tendance suicidaire bouleversent tous les principes
de l'humanisme. La société ne servirait donc à rien ? A quoi bon alors
l'éducation, la famille, l'amour, l'apprentissage de la tolérance, si
le seul destin décide de faire d'un homme un héros ou un monstre ? Ses
propos sur l'Allemagne, prédisposée à s'abandonner au nazisme, sont
tout aussi écoeurants. Et que dire de cette phrase, entendue en meeting
: « La France n'a pas à rougir de son Histoire. Elle n'a pas inventé la solution finale. »
Aurait-il oublié que la France a collaboré ? Que Vichy a livré des
Juifs aux nazis ? Jacques Chirac a beaucoup de torts. Mais il a eu ce
courage, lui, de reconnaître la responsabilité de l'Etat français pour
la collaboration.
Ce virage complète chez Nicolas Sarkozy une posture résolument
populiste. Combien de fois, lorsqu'il était à l'Intérieur, n'a-t-il pas
accusé les juges de ne pas en faire assez, violant ouvertement la
séparation des pouvoirs ? Sa mainmise sur les médias ne laisse pas
d'inquiéter, elle aussi, obtenant ici le limogeage d'un directeur
dérangeant, discutant là de l'embauche d'un journaliste chargé de
couvrir l'UMP. Et que dire de ses déplacements de campagne ? Non
seulement il ne peut plus se rendre en banlieue, là où Jean-Marie Le
Pen se promène désormais, mais même dans des quartiers moins chauds
comme la semaine dernière à la Croix-Rousse à Lyon, il doit reculer par
crainte des manifestants.
« Prendre des voix au Front national, est-ce mal ? », interroge
Nicolas Sarkozy. Non, bien sûr, au contraire. Mais à condition de ne
pas séduire ses électeurs avec les mêmes mots. Au soir du premier
tour, le candidat de l'UMP se félicitera peut-être d'avoir asséché le
terreau électoral de Jean-Marie Le Pen. Mais à quel prix ? Celui,
affolant, d'une lepénisation des esprits.]
Joëlle Merkens Le Soir en ligne