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Le guetteur mélancolique
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11 juin 2007

En haut et en bas : la situation au Mexique à la mi-2007

marcos_passe_montagneLa situation sur le plan national, en haut

Au cours des six premiers mois du mandat de Felipe Calderón, c’est tout un mandat présidentiel de six ans qui s’est écoulé. Enfoui sous les jupes des uniformes vert olive des troupes de l’armée fédérale, Calderón ne cherche même plus à prétendre qu’il gouverne. Il n’est plus qu’un ornement décoratif supplémentaire du micmac des célébrations et des rassemblements militaires.
Heureux comme des fous, les gouverneurs et dirigeants de l’ensemble du spectre politique et la plupart des législateurs se précipitent pour former les rangs, tandis que la magistrature épluche avec une parcimonie calculée les restes de la Constitution et des garanties fondamentales des personnes qui y sont proclamées, tout occupés à empocher au plus vite leurs salaires et prébendes.
Divisée entre son engouement récent pour l’armée, les moyens de communication et l’Église, la classe politique mexicaine admet que désormais elle n’est plus en mesure de gouverner. Comme dans la cour d’un royaume décadent, ces bouffons qui posent aux nobles et aux vice-rois cherchent dans l’aberration et dans la force l’aval que la légitimité leur refuse depuis belle lurette.
Un simple regard un tant soit peu critique suffit pour se rendre compte que le système politique mexicain est moribond, instable, sans plus aucune base solide.
La situation du pays, par quelque côté qu’on l’aborde, est une véritable catastrophe.
L’économie nationale a été abandonnée, livrée aux aléas du marché international.
Le système de sécurité sociale n’est plus qu’un tas de déchets en vente au plus offrant.
Le système d’enseignement public n’est plus qu’une rubrique reléguée la plupart du temps aux pages de la chronique sociale dans les suppléments du journal du dimanche.
Le système de santé est un centre commercial délabré, sale et inefficace dont la gestion patauge entre les produits de marque et les produits génériques.
Rien, absolument rien de ce qui constituait la colonne vertébrale de l’État national n’est encore debout.

Quatre, c’est le nombre de roues sur lesquelles avance, tue et ravage la nouvelle conquête capitaliste dans le Mexique d’en bas : spoliation, exploitation, répression et ostracisme.

Au Mexique, l’actuelle spoliation de terres et le pillage des ressources naturelles, qui atteint des sommets inédits depuis la "Conquête" et la "colonisation", ressemble à une gigantesque fraude fiscale soutenue par les lois.
Alors qu’autrefois c’était l’or et l’argent, aujourd’hui, l’eau et la terre sont les richesses que se disputent les étrangers.
Le vol qui a lieu sur le sol mexicain est si énorme et éhonté qu’il constitue, au sens strict, pour reprendre l’expression de Salvador Castañeda, originaire du Nayarit, une spoliation du territoire national.
Les travailleurs et travailleuses du Mexique, à la ville comme à la campagne, mènent une existence qui semblait ne pas pouvoir exister : de pires conditions d’exploitation que sous Porfirio Díaz... Ou sous le régime colonial !
La scandaleuse et illégale condamnation à plus de soixante ans de prison qui est venue frapper les dirigeants du Front des communes en défense de la terre, le FPDT de San Salvador Atenco, ainsi que l’illégalité du maintien de dizaines d’innocents dans les geôles de l’État de Mexico pour les événements de l’an dernier ne sont qu’un échantillon de la longue liste des agissements corrompus du pouvoir judiciaire mexicain.
Traditionnellement objet de mépris, les indigènes sont aujourd’hui rejoints par les jeunes, les femmes, les personnes différentes de par leurs choix sexuels et leurs options sentimentales. Ensemble, ils subissent l’incompréhension et le mépris d’une morale fasciste qui se veut le nouveau dieu dictant ses commandements à son bon vouloir et en son temps, avec le soutien entier des arbitres de chaires, des tribunes législatives et des sièges de cabinet gouvernemental.
Loin d’un bord ou de l’autre, le mouvement social qui se fait appeler "l’Autre Campagne" se détermine peu à peu. Il se définit progressivement toujours plus, outre sur des questions fondamentales, et acquiert toujours plus une identité.

Les batailles à venir

Nous considérons que le combat contre la répression sous toutes ses formes et à tous les niveaux représente une priorité nécessaire et urgente. Répression qui est lancée par les institutions de l’État mexicain contre les opposants participant à la lutte sociale. Nous sommes convaincus que l’organisation indépendante et la mobilisation consciente de ceux d’en bas constituent la seule garantie de pouvoir stopper et empêcher les attaques que les puissants et leurs gouvernements ont lancées contre notre peuple.
[Les batailles à venir ] exigeront un logement digne, la terre, le travail, la santé, l’éducation, l’alimentation, le respect des droits et de la culture indigènes, le respect de la différence, la défense de l’environnement, l’information vraie et opportune, l’art et la culture, l’indépendance, la justice, la liberté et la démocratie. Autrement dit, c’est la paix véritable qu’exigeront et commencent d’exiger, toujours plus, de telles luttes, dans la rue, sur les côtes, dans les montagnes, dans les campagnes, dans les quartiers, dans les colonias, dans les écoles et les universités, dans les usines et les commerces. Bref, dans ce Mexique d’en bas, ce Mexique dont le dictionnaire ne contient ni le mot résignation et ni le mot reddition.

Le lendemain en gestation dans la nuit d'en bas

Il se peut que le conformisme, la résignation et le cynisme constituent une mode indubitable, hors de question et imbattable.
Il se peut que la liberté et la justice semblent impossibles la veille.
Mais il se peut aussi que la rébellion commence à s’écrire petit à petit et en petit nombre.
Car dans le calendrier d’en bas, les aiguilles de l’horloge de ceux qui font tourner les roues de l’histoire approchent d’une date qui se répète tous les siècles : la lutte pour la liberté, pour la justice et pour la démocratie pour le Mexique.

Parce que le lendemain, c’est dans la nuit qu’il germe.

De Tepic, dans l’Autre Nayarit,
sous-commandant insurgé Marcos.
Mexique, mai 2007.

Traduit par Ángel Caído.                           Lire le texte intégral sur le site du CSPCL
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