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Le guetteur mélancolique
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28 septembre 2009

Il y a des paires de claques qui se perdent

mai68relifteCABUL'analyse de la crise financière par Frédéric Lordon est assez éloignée du discours dominant véhiculé par les médias. Dans la deuxième partie de l’entretien qu’il a accordé à Télérama, cet économiste radical passe en revue les mesures prises par les gouvernements pour lutter contre la crise, propose ses solutions et avoue espérer une… crise politique majeure, seule susceptible de réformer le système en profondeur.

Quelle est votre analyse de la crise financière que nous venons de traverser ?

On peut l’analyser en soi, à condition de ne pas manquer sa dimension épiphénoménale et symptomatique. La crise proprement financière est l’expression, dans la sphère des marchés de capitaux, d’une crise économique structurelle bien plus profonde. Nous vivons depuis vingt ans dans ce qu’on peut appeler, pour faire simple, un « capitalisme de basse pression salariale » ou, pour être plus précis, un capitalisme de déréglementation à dominante financière. Dans cette configuration historique du capitalisme, les entreprises sont en permanence confrontées à la double contrainte des actionnaires et de la concurrence. Il s’ensuit une pression constante sur les coûts, et notamment ceux les plus faciles à réduire : les coûts salariaux. Or, contradiction déjà vue par Marx et Keynes en leur temps, le salaire est le facteur de solvabilisation de la demande. Autrement dit, la faiblesse des salaires pose un problème de sous-consommation chronique. Le néolibéralisme a proposé deux solutions pour répondre à ce problème : 1) allonger la durée du temps de travail (traduction française : « travailler plus pour gagner plus »), 2) faire du crédit aux ménages la béquille permanente de la consommation. Toute l’industrie financière s’est offerte à rendre viable cette trajectoire, notamment à l’aide de la technique de la titrisation, qui a permis de propulser dans l’économie des volumes de crédits supplémentaires astronomiques. La dette des ménages, drogue dure d’un régime de croissance à basse pression salariale, a ainsi été poussée jusqu’à ses dernières limites. L’économie américaine a vécu des années sur ce système avant qu’il n’implose. Aujourd’hui, le taux d’endettement des ménages américains par rapport à leur revenu disponible atteint 120 %. Au Royaume-Uni, il est même de 140 %. C’est du délire. En France, il se situe entre 65 et 70 %, mais a doublé par rapport à 1995, date d’entrée dans un régime de mondialisation franche.

Le destin des pays occidentaux est-il de vivre au rythme des bulles spéculatives (Internet, l’immobilier...) ?

Tant qu'on ne modifie pas radicalement les structures de la finance, la réponse est oui. En témoigne d’ailleurs la succession quasi métronomique des crises depuis que la déréglementation financière a été lancée, au milieu des années 80 : krach des actions en 1987, crise financière-immobilière du début des années 90, crises du Système monétaire européen de 1992 et 1993, krach obligataire américain et crise des Tesobonos mexicains en 1994, crises financières internationales de 1997 et 1998, krach Internet de 2000-2002, enfin crise des subprimes en 2007... Or, sous la variété phénoménale de ces crises, qui semblent au premier regard toutes différentes les unes des autres, il faut bien voir l’identité profonde des mécanismes à l’œuvre tels qu’il s’expriment, les invariants structuraux des marchés de capitaux déréglementés. Tant que l’action politique ne s’en prendra pas directement à cette structure-là, les mêmes causes produiront les mêmes effets. Et si l’événement « subprime » a été d’une taille exceptionnelle, il ne semble pourtant pas avoir encore suffi pour qu’on en prenne le chemin…

Frédéric Lordon, Grand entretien à lire sur Télérama

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Commentaires
I
Une crise sans précédant révélant un système financier non maitrisé et un système global qui se trouve a un quasi point de rupture.<br /> La course au profit permanente écrase malheureusement un certain nombre de facteurs humains essentiels, ce qui contribue à ternir notre Société.
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