Chiapas, la Banque mondiale invente la ville rurale
Le monde capitaliste a atteint le seuil frénétique d’une domination si parfaite que les mots eux-mêmes ont perdu leur sens. Dans le rapport sur le développement mondial 2009, sous-titré « Une nouvelle géographie économique », publié par la Banque mondiale, il est dit que « l’intégration économique implique de rapprocher les zones rurales des zones urbaines ».
Alphonse Allais proposait de mettre les villes à la
campagne pour résoudre les problèmes de communication, la Banque
mondiale, elle, a en tête de rapprocher la campagne de la ville et elle
invente le concept de ville rurale ; pourtant, quand nous y regardons de
plus près, nous nous rendons vite compte que cette novlangue cache en
réalité un projet beaucoup plus menaçant que celui de notre humoriste et
notre premier sourire se transforme vite en grimace. Il s’agit pour la
Banque mondiale et ses sbires que sont les petits hommes d’État de
libérer la campagne de tous ces paysans, indiens ou métis, qui
l’encombrent afin de l’ouvrir aux échanges marchands dans une
perspective purement capitaliste.
Les chercheurs Miguel Pickard et Mariela Zunino écrivent au sujet de cette nouvelle initiative : « L’objectif réel du programme consiste à réorganiser l’usage de la terre et des ressources de la campagne, ce qui implique la séparation du paysan de la terre qu’il occupe actuellement. Le programme a pour objectifs la concentration des gens de la campagne dans de petites agglomérations, l’aliénation de leurs terres et l’exploitation de celles-ci par de grandes entreprises. » [...]
Nous pouvons noter un certain parallélisme historique avec ce qui s’est
passé au XVIIIe siècle quand se sont créés ce que l’on
appelle les latifundia, ces grandes exploitations agricoles consacrées
principalement à des cultures d’exportation, café, tabac, canne à
sucre..., ou à l’élevage extensif de bovins. Jan de Vos relate comment se sont formés les
latifundia au Chiapas « par le biais de l’accaparement des terres qui
appartenaient à des communautés indiennes et qui étaient alors
habitées ». « Les Indiens, nous dit l’auteur, ont été dépouillés de leur
propriété, de leur rancho et de leur milpa, et n’ont eu d’autres solutions que de se mettre
(comme peones acasillados) au service de leur
nouveau maître. » Le programme actuel d’accaparement des terres et de
concentration des paysans indiens ou métis dans la ville rurale obéit à
la même logique, mais sur une tout autre échelle. C’est que le procès
capitaliste a atteint une tout autre dimension et exige une refondation
et un élargissement de ses perspectives. [...]
Georges Lapierre, article complet à lire ici : Chiapas, la ville rurale...