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Le guetteur mélancolique
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20 janvier 2008

André Aubry dans les spirales zapatistes

aubryIdentifié depuis les années 1960 et 1970 avec les processus de libération des opprimés, ayant accompagné durant tant d’années la colère paysanne en quête de terre et dignité, André Aubry était bien préparé pour comprendre ce qui allait commencer le 1er janvier 1994. Il était prêt pour ne pas manquer ce rendez-vous avec l’histoire. Ce fut le principal de tous, le rendez-vous décisif, celui que tous les autres avaient préparé. Ainsi, durant les premiers jours de janvier 94, il écrivait « à toute vitesse », comme il disait, des textes pour tenter d’apporter quelque explication aux journalistes internationaux. Durant les premiers mois de 94, il décrivait comment « l’histoire du Chiapas identifie les zapatistes ». [...]

André Aubry a su, dit-on, interpréter le zapatisme. Surtout, il a su le voir, depuis la réalité quotidienne des parcelles et des microclimats, depuis la réalité des femmes et des hommes qu’il connaissait depuis vingt ans auparavant. Il a su voir cette réalité qui se transformait, d’en bas, juste comme il l’avait rêvé. Il a su la voir, parce qu’il la vivait, la partageait, la faisait sienne. Il a su l’accompagner, dans la construction d’une éducation autonome et libératrice, dans la reconstitution de la mémoire des communes autonomes, dans bien d’autres tâches encore. Depuis 1974, il se mettait à la disposition des communautés pour accompagner en apprenant ; trente ans après, il accompagnait des processus nés des peuples indigènes et auto-organisés par eux. Il continuait à travailler, et à travailler encore, avec des compagnons qui ne cessent de répéter « nous ne savons que bien peu de choses », quand, en réalité, ce qu’ils savent c’est ce qui met sur ses pieds - ou tête en bas, selon les cas - toutes les théories, toutes les connaissances. [...]

La libération, André Aubry l’a cherchée par différents moyens, mais toujours au cœur de grands processus historiques des XXe et XXIe siècles. Tout a commencé dans les années 1940, durant la lutte de résistance pour libérer la France et l’Europe de la barbarie nazi et collaborationniste. Il s’est approché de ce combat, encore adolescent, et a pu vivre l’explosion de joie qu’a signifiée la libération de Paris et de l’Europe. Au milieu de cette allégresse a surgi l’impulsion pour s’enrôler dans une autre lutte, cette fois-ci pour libérer l’Église de son conservatisme, en sympathie avec ses amis prêtres ouvriers, bientôt abandonnés par Rome, puis durant le Concile Vatican II. Quelques années plus tard surgit, en France comme dans d’autres parties du monde, le mouvement de 68, qui bouleverse la vie et la manière de penser de tant de personnes. Celles d’André Aubry aussi qui, l’année suivante, répond favorablement à ceux de ses amis qui lui demandent de passer de l’autre côté de l’océan, pour collaborer avec les instituts de la Conférence épiscopale latino-américaine, à Medellín et à Quitó. Il découvre l’Amérique latine : « Ici, dit-il, j’ai retrouvé à nouveau un contexte de libération. Ici, était en gestation un homme nouveau, celui qui avait été chanté dans les rues de Paris en mai 68. » C’est alors qu’a lieu la rencontre avec Don Samuel Ruíz García, qui l’invite au Chiapas. C’est le moment des rencontres décisives, avec le Père Michel Chanteau et, à travers lui, avec Angélica Inda (et nous savons bien qu’il est impossible de penser à André sans l’associer à Angélica). C’est le moment d’une autre rencontre, historique, le Congrès indigène Fray Bartolomé de Las Casas, en 1974. « Je reste ici », décide André Aubry, à l’âge de quarante-sept ans. [...]

Jérôme Baschet
Universidad de la Tierra, 17 décembre 2007.

Pour lire les paroles prononcées lors du Premier Colloque international :
In Memoriam Andrès Aubry

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