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Le guetteur mélancolique
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13 mars 2009

Conte 7 : « Le Vieil Antonio raconte... »

calendrier_maya_completUn petit jour froid, glacé et silencieux nous trouve éveillés, il y a de cela quelque chose comme quinze ans. Et comme il y a vingt-cinq ans, le Vieil Antonio brille d’une petite lueur parmi les ombres que nous formons, lorsqu’il allume sa cigarette faite à la rouleuse. Nous nous taisons. Personne ne dit rien. Tout le monde attend. Le Vieil Antonio invoque alors la tiédeur de la parole, la parole qui soulage, qui console, qui apporte l’espoir.

"Les plus anciens parmi les anciens, les tout premiers de nos sages, racontaient qu’il semblait que les premiers d’entre les dieux, ceux qui accouchèrent du monde, l’avaient fait sans ordre d’aucune sorte. Qu’une fois faits, ils n’avaient fait que jeter les morceaux n’importe où. Que le monde créé n’était pas un mais qu’il y en avait beaucoup et très différents les uns des autres. Autrement dit, que, comme vous dites vous autres, il y avait beaucoup de géographies. Et ils racontent nos sages qu’à ce moment-là les temps se sont réunis, à savoir le passé, le présent et le futur, et qu’ils sont allés protester auprès des dieux. “Comme c’est fait, là, c’est pas possible. Autrement dit, on ne peut pas faire notre travail avec un tel capharnaüm de mondes. Il faut qu’il n’y en ait qu’un seul, pour que les temps puissent poursuivre notre marche par un seul chemin.” Voilà ce qu’ils ont dit les temps en question. Alors, les dieux ont écouté ce que leur disaient le passé, le présent et le futur, et ils ont dit : “D’ac’, on va voir ça.” Alors se sont réunis les premiers d’entre les dieux, ceux qui ont accouché le monde, et va-t-en savoir de quoi ils ont parlé. Ce qu’on sait, c’est qu’ils y ont mis le temps. Assez plus tard après, les dieux premiers ont appelé les temps et voici ce qu’ils leur ont dit : “Nous avons fini de méditer les paroles que vous avez prononcées et nous voulons vous dire que ce n’est pas une bonne pensée votre pensée.” Sur quoi les temps ont commencé à protester, et que nom de..., que c’est nous qui s’y collent encore une fois parce qu’on n’est pas des dieux, que ceci et que cela. Les dieux leur ont demandé d’attendre car ils n’avaient pas fini de leur dire toute leur parole. “D’ac’ ”, les temps ont dit, et ils ont attendu la suite. Alors les premiers d’entre les dieux leur ont expliqué que le temps était proche où allait arriver “Mandón”, le Dictateur, qui allait vouloir dominer le monde entier et soumettre en esclavage tout ce que le monde contenait, qu’il allait détruire et qu’il allait tuer. Ils ont expliqué que grande et terrible était la force de Mandón et que dans le monde il n’y aurait nulle autre force qui égalerait la sienne. Que la seule façon de lui résister et de lutter contre Mandón était d’être nombreux et différents, pour qu’ainsi Mandón n’adopte pas la manière d’un seul et les mette en déroute tous. Que les dieux comprenaient que ça faisait beaucoup de boulot pour les temps de devoir se faire nombreux et différents pour accomplir leur travail et leur passage dans chacun des mondes que le monde avait, mais qu’il n’était pas question de faire autrement, que c’était comme ça. Et ils leur dirent qu’il n’y aurait donc pas un temps pareil pour tous les mondes qu’il y avait dans le monde, mais qu’il y aurait de nombreux temps. Autrement dit, qu’il y aurait, comme vous dites vous autres, beaucoup de calendriers. Et alors les premiers d’entre les dieux ont dit aux temps que dans chacun de ces nombreux mondes qui forment le monde, il va y en avoir quelques-uns ou quelques-unes, c’est selon, qui sauront lire la carte et les calendriers. Et que le moment viendrait où le passé, le présent et le futur s’uniraient et alors tous les mondes vaincraient Mandón. Voilà ce qu’ont dit les premiers d’entre les dieux. Mais les temps, juste parce que c’étaient de vrais bourriques, parce qu’ils connaissaient déjà la réponse, leur ont demandé si, quand finalement Mandón aura été vaincu, alors les mondes se réuniraient en un seul monde. Alors les premiers d’entre les dieux leur ont dit que c’est quelque chose que verraient les hommes et les femmes de ces temps-là, qu’ils sauraient alors si le fait d’être différents les rend faibles ou au contraire les rend forts pour pouvoir résister vaincre tous les Mandón qui vont continuer d’arriver."

Le Vieil Antonio s’en est allé. Il continuait de faire un froid de canard, mais une petite lueur était restée, comme pour que l’ombre ne soit pas toute seule.

Voi-là.

Merci beaucoup compañeros et compañeras et compañeroas.
Sous-commandant insurgé Marcos.
Mexique, le 5 janvier 2009.

Traduit par Ángel Caído.
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