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Le guetteur mélancolique
Le guetteur mélancolique
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13 novembre 2009

Le vieux débat bien rance du sarkozysme triomphant

PetainEn ces jours où Claude Lévi-Strauss est célébré par tous comme l'un des plus grands intellectuels du XXe siècle, le penseur de la diversité et de l'unité de l'humain, il n'est pas inutile de rappeler que l'anthropologue du Collège de France organisa dans les années 1970 un séminaire dont le thème fut précisément "l'identité", notion qu'il désigna comme une "sorte de foyer virtuel auquel il nous est indispensable de nous référer pour expliquer un certain nombre de choses, mais sans qu'il ait jamais d'existence réelle". [...]

On admettra alors que l'injonction gouvernementale visant à définir des normes identitaires est ce qu'il y a de plus inacceptable pour le savoir des anthropologues. Quelle arrogance, quelle volonté de domination ou quelle stratégie peuvent conduire un gouvernement à vouloir gouverner, aussi, l'identité ? La "définir" (en faisant donc croire qu'elle est définissable) c'est produire des normes identitaires, soit une double violence. Violence pour ceux qu'elle met au défi de s'inclure et de rester "sous contrôle identitaire" au prix d'humiliations culturelles et mémorielles (faisant ainsi violence, par exemple, à la part africaine, antillaise ou maghrébine de l'histoire de France). En ce sens il y a bien un totalitarisme de tout "ministère" de l'identité dans la mesure où la question de l'identité, sa quête ou sa construction se déplacent sans cesse de la sphère la plus sociale et collective à la plus privée et intime. L'emprise totale du contrôle des personnes fonde le totalitarisme des Etats policiers, comme l'enseigne l'histoire du XXe siècle.

Sous le couvert d'un "débat" sur ce qui définit l'identité nationale, nous serions ainsi amenés à "subjectiver" l'injonction d'un pouvoir suprême, à cautionner un paradoxe de démocratie totalitaire dont chacun deviendrait coresponsable, faisant de nous les co-auteurs du contrôle identitaire ! Le regard inquisiteur d'un pouvoir identitaire planerait alors, avec notre assentiment, sur la vie et les gestes de chacun. La définition d'une identité nationale provoquera une autre sorte de violence, en direction de ceux qu'elle exclut. Car cette identité normative – dont chacun sait que la mise en œuvre sera (elle l'est déjà) ethno-nationale – a comme toutes les normes pour fonction essentielle de produire des a-normaux et de les exclure, les "reconduire à la frontière" de l'identité. Faire exister "l'étranger" dans nos esprits et dans des politiques xénophobes sera la première vérification empirique d'une identité nationale ainsi fabriquée. Enfermée et appauvrie sur le plan culturel, elle entraînera logiquement avec elle des procédures d'identification et de vérification, c'est-à-dire davantage de police, de murs, d'enfermement. [...]

A-t-on vraiment mesuré – dans les sphères mêmes du gouvernement, plus inquiètes de stratégies électorales que de proposer une vision du monde – tout le danger que fait peser dans notre pays déjà l'existence d'un "ministère de l'identité nationale" ? La recherche d'une adhésion à ses objectifs de contrôle des migrants et d'expulsion des étrangers indésirables par le biais d'un "débat" sur son objet est un échelon de plus dans sa dangerosité. Ce ministère doit disparaître, vite, son existence a déjà profondément assombri l'image de la France dans le monde, dans les pays du Sud comme du Nord. Et pour cause : il signifie l'enfermement et le refus de prendre place dans le mouvement du monde.

Michel Agier, directeur d'études à l'EHESS, à lire sur Le Monde

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Commentaires
L
Cher André,<br /> Médiocrité, autoritarisme, mépris, arrogance, contrôle sécuritaire, vidéo-surveillance... ce n'est pas les années 40 qui reviennent mais le 21e siècle qui s'en vient et franchement, il a une sale gueule !
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A
...<br /> <br /> Est-ce encore temps ?<br /> <br /> Hier, nous étions avec beaucoup de peine, les descendants des fondateurs des droits de l'homme.<br /> <br /> Aujourd'hui, nous sommes revenus à nos amours de 40 à savoir, installer un homme providentiel dans une dimension monarchique...<br /> <br /> Désolant d'autant qu'il est con.<br /> <br /> André
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