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Le guetteur mélancolique
Le guetteur mélancolique
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18 décembre 2010

La mise au pas

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Il est le premier, et tout laisse à craindre que d’autres lui succéderont. Lundi 13 décembre, un homme est mort à Marseille, après un tir de flash-ball en plein thorax ; un décès venant s’ajouter aux nombreuses mutilations déjà causées par une arme dont l’usage croissant - en manif comme en banlieue - vaut parfaite indication d’une pratique policière sans cesse plus violente et agressive.

« On s’apprêtait à partir calmement. Mais quand on s’est retrouvés à une quinzaine de mètres, les flics de la BAC mêlés aux lignes de CRS ont tiré au flash-ball [...]. J’ai reçu l’un des tirs dans l’œil gauche. […] Sur le moment, j’ai eu l’impression d’avoir encaissé un gros coup de poing, je saignais abondamment. »

C’était le 19 mars 2009, journée de manifestation contre la LRU, à l’occasion d’une action pacifique ciblant un supermarché toulousain. À la sortie du magasin, les CRS chargent violemment les étudiants. Cris, matraques, cohue. Quelques instants plus tard, alors qu’il s’apprête à quitter les lieux, Joan s’écroule à terre, le visage ensanglanté. L’étudiant vient de perdre un œil – ou c’est tout comme.

L’histoire de Joan fait écho à de nombreuses autres, toutes récentes. Jiade, octobre 2006, Clichy-sous-Bois. Pierre, novembre 2007, Nantes. Alexandre et Bruno, mai 2009, Villiers-le-Bel. Joachim, juillet 2009, Montreuil. Geoffroy, octobre 2010, Montreuil. Litanie. Pour chaque nom, un tir de flash-ball en plein visage ; pour chaque lieu, un œil en moins.

À chaque fois, aussi, le déroulé des événements est similaire. Il y a d’abord le tir tendu d’un représentant de l’ordre pointant son « lanceur de balles de défense » vers un visage. Puis suit l’indignation générale devant l’exaction policière, se traduisant par une forte couverture médiatique, avec gros plan sur un visage mutilé et paroles de proches criant leur légitime colère. Pendant quelques jours, le débat public bat son plein, avec une relative mise en accusation des pratiques policières et des mauvais usages de l’arme, le mot « bavure » revenant dans toutes les bouches. Débat biaisé ; la question n’est pas là. Ou plutôt, elle n’est pas seulement là.

Autant qu’une arme, le flash-ball est un thermomètre politique. Pour température, il indique l’évolution et la mutation du maintien de l’ordre, c’est-à-dire de la façon dont le pouvoir entend maîtriser et réprimer toute velléité de contestation. Son usage de plus en plus fréquent et les blessures qu’il provoque incarnent tout aussi parfaitement la politique sécuritaire agressive souhaitée de longue date par Nicolas Sarkozy. Plus largement, enfin, le flash-ball parle de ce monde à venir, où les armes dites sub-létale (ou encore non létale ou à létalité réduite, multiples tentatives lexicales de camoufler la réalité des choses) réaliseront le rêve de tout homme de pouvoir : contrôle absolu, l’encadrement des contestataires faisant de nombreuses victimes mais zéro mort. Plus que notre présent, celui de l’indignation et des protestations, il évoque notre futur : la mise au pas.

A lire ici, Article XI

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