Mexique: quatorze ans après, la révolution zapatiste danse encore
1er janvier 1994: le Traité de libre commerce de l’Amérique du Nord
(TLCAN) entre en vigueur. Pendant que le Mexique d’en haut sable le
champagne, l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) occupe sept
villes du Chiapas et lance le "Ya basta!" du Mexique d’en bas.
1er janvier 2008: l’ultime volet du TLCAN entre en vigueur (mais,
haricot rouge, lait, canne à sucre), avec des effets qui s’annoncent
ravageurs pour une paysannerie déjà exsangue.
Les zapatistes, eux, sont toujours là. Ils ont résisté aux attaques
militaires de 1994 et de février 1995, à la stratégie de
paramilitarisation qui a conduit au massacre d’Acteal le 22 décembre
1997, aux faux-semblants gouvernementaux, au succès puis à l’oubli
médiatiques, aux erreurs, à l’usure d’une lutte menée dans des
conditions éminemment précaires.
Résisteront-ils au harcèlement dont ils sont l’objet depuis
plusieurs mois? Le sous-commandant Marcos ne vient-il pas d’indiquer,
avec gravité, qu’une offensive d’envergure se préparait, répandant déjà
"l’odeur fétide de la guerre"?
Le zapatisme est passé de mode? Tant mieux !
Ce mois-ci, le magazine latino-américain Gatopardo
consacre sa "une" à Marcos et publie un reportage de Laura Castellanos,
qui l’a suivi sur plus de 3 000 km du nord au sud du Mexique. Plusieurs
journaux français ont attrapé au vol quelques bribes de cette
publication, bien vite qualifiée de "people".
Que
n’aimerait-on lire plus souvent, dans la presse dite sérieuse, des
articles aussi exigeants, critiques et scrupuleux, pondérés quoi que
sans concession! Mais faut-il s’étonner que ceux qui ont toujours
traité le mouvement zapatiste par la dérision ne retiennent de
l’interview de Marcos que la mention, à mi-chemin entre la nostalgie et
l’auto-ironie, d’être "passé de mode"?
Eh bien, tant mieux ! N’est-ce pas l’occasion d’un regard plus
attentif sur ces quatorze années ? Après douze jours de combats, en janvier 94, les zapatistes
acceptent le cessez-le-feu réclamé par une ample mobilisation populaire
et s’engagent dans la recherche d’une solution négociée.
Le 16 février 1996, ils signent les accords de San Andrés avec le
gouvernement fédéral, puis avalisent le projet de réforme
constitutionnelle préparée par la commission parlementaire ad hoc, que
le président Zedillo, lui, refuse. En 2001, dans le contexte créé par
l’élection de Vicente Fox, les zapatistes entreprennent la Marche de la
couleur de la terre, pour demander au Parlement de voter cette réforme. [...]
Jérôme Baschet Article à lire sur RUE89